Sarkozy, bilan de la casse (Mai 2007 – Novembre 2011)
L’apothéose du coffre-fortPar un singulier tour de passe-passe, l’équipe Sarkozy prétend être évaluée sur ses promesses, son projet, les solutions qu’elle dit vouloir apporter à la crise. Mais la politique mise en place par la majorité présidentielle depuis 2007 doit être jugée sur son bilan, qui a aggravé cette crise. Les libéraux de droite ou de gauche martèlent que nous sommes étranglés par la dette, qu’il n’y aurait plus d’argent dans ce pays et, dès lors, plus qu’une issue : l’austérité et les agences de notation en pères fouettards. Mais revenons à l’histoire, ayons de la mémoire : avant 2007, la dette s’est, en premier lieu, considérablement creusée du fait de la baisse des recettes de l’État, consécutive aux cadeaux fiscaux accordés aux ménages les plus riches (ainsi asséchées, les caisses de l’Etat pouvaient être déclarées «en faillite» par François Fillon). Puis, la dette a explosé avec la crise financière. Mais cette crise, dont on nous enjoint de régler la facture, ne tombe pas du ciel. Elle provient, ne l’oublions pas, de la spéculation sur les produits toxiques, distribués à tour de bras par les banques – la récession qu’elle a provoquée entraînant une baisse supplémentaire des recettes fiscales. Qu’a fait, alors, Nicolas Sarkozy pour «réguler le capitalisme»? Il a creusé davantage la dette de l’Etat pour sauver les banques sans condition et sans les placer sous aucun contrôle public. Et il faudrait maintenant, avec les plans de rigueur successifs, continuer la «réduction des dépenses publiques» ? Cela a, pour chacun, des conséquences très concrètes : la baisse de la protection sociale, la compression des salaires, des retraites et de l’indemnisation du chômage, la suppression des aides aux associations, accompagnées de nouvelles réductions d’effectifs à l’hôpital, à l’école, dans la justice, dans la police… Bref, toujours moins pour les salariés, les chômeurs, les retraités, les précaires, les étudiants et tous ceux qui sont issus des milieux populaires – les femmes continuant d’être les moins épargnées (parce qu’elles sont plus exposées aux emplois précaires, au chômage, aux salaires minorés…). Et, à l’inverse, toujours plus pour les actionnaires et le système financier. C’est indécent, voire obscène. Combien de ménages peinent dès le quinze du mois, ne peuvent plus payer le gaz, l’électricité, le loyer, la cantine des enfants? Sans parler du renoncement forcé aux soins les plus élémentaires. L’an dernier, les allocations logement ont été réduites de quelque 240 millions d’euros. Comparons : le bouclier fiscal représente un manque à gagner de 700 millions d’euros par an. Les expulsions de locataires ont atteint un niveau record en 2009 : 106 938 décisions d’expulsion, soit une augmentation de plus de 30% en 10 ans. Ce sont des chiffres ? Non ce sont des vies, des vies précarisées, saccagées. Des vies qui n’existent pas pour ceux que la crise n’atteint pas. Une autre politique s’impose. Aujourd’hui, 10% de la population détiennent 48% du patrimoine national, quand 50% n’en possèdent que moins de 7%. Ces quinze dernières années, les premières fortunes professionnelles françaises ont progressé six fois plus vite que la richesse nationale. Mieux, de 2010 à 2011, selon le baromètre Forbes, le nombre des milliardaires français en dollars a augmenté de 16,7%. Il faut en finir, vite, avec ces inégalités qui s’aggravent. Pas un gouvernement, depuis 1945, n’a autant détruit, méticuleusement détricoté, l’un après l’autre, les droits sociaux conquis de haute lutte par les générations qui nous ont précédés : sécurité sociale, retraite, école, hôpital, justice… De cette entreprise de destruction, il faut dresser le bilan. Le «bouclier fiscal» a enrichi quelque 19 000 privilégiés. Mais la France compte (officiellement !) 9,8% de personnes au chômage (on s’attend à 10% fin 2012). Le pouvoir d’achat ne cesse de baisser. Les allocataires des minima sociaux sont montrés du doigt. Les services publics sont dramatiquement réduits (dans leurs personnels et leurs fonctions), tandis que les logiques du privé sont généralisées à l’hôpital public, dans les universités, l’Education nationale, à Pôle emploi, dans la culture… jusqu’au ministère de la Défense. Les accidentés du travail sont – c’est un comble – taxés depuis peu sur leurs indemnités (double peine pour leur existence brisée). La médecine du travail passe progressivement sous le contrôle des entreprises. Les tribunaux d’instance ont été en nombre rayés de la carte judiciaire. Les syndicalistes sont de plus en plus renvoyés devant les juges correctionnels. Et que dire de cette xénophobie constamment brandie, revendiquée même, jusqu’à devenir l’ordinaire des ministres de l’Intérieur, de la chasse aux Roms à la traque des sans-papiers ? Même les immigrés en situation régulière sont maintenant la cible du gouvernement. A qui bénéficie cette politique ? Poser la question, c’est déjà un peu y répondre. Pour les plus riches, c’est «l’apothéose du coffre-fort». Pour tous les autres, nous, toutes et tous, c’est «sauve-qui-peut». De ces «sauve-qui-peut» qui encouragent les replis sur soi, la peur du plus proche, les rivalités dans et pour l’emploi, la concurrence à tous les niveaux, qui casse les solidarités. Brillant résultat du «président des riches» : le Front National enfle des désespoirs ainsi produits. Mais les résistances ne sont pas mortes. Nous étions, courant 2010, des millions à manifester contre la fin de la retraite à 60 ans. Aujourd’hui, dans le privé, à bas bruit, mais nombreuses, se multiplient les grèves pour la préservation de l’emploi, les salaires et les conditions de travail. Il faudra, au plus vite, non seulement reconstruire ce que l’équipe Sarkozy a cassé, mais opérer une transformation sociale qui permette à toutes et tous de vivre dignement. Comme le disent les indignés: nous sommes les 99% ! Les auteurs
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